Devenir thanatopracteur : stage et examen pratique

Si l’enseignement théorique est primordial et éliminatoire dans le parcours pour devenir thanatopracteur.rice, la formation pratique est l’étape cruciale qui esquissera lae professionnel.le que vous serez ensuite. C’est aussi ici que le vrai fun commence, après des mois de stress et de révisions intenses : enfin, vous allez mettre les mains dedans !

Je vais revenir dans cet article sur le déroulé du stage et de l’examen pratique, et vous prodiguer quelques conseils et avertissements nécessaires pour cette période de votre formation.


Le stage pratique

Selon l’arrêté officiel du Ministère de la Santé concernant les conditions d’accès au diplôme de thanatopracteur, le stage pratique requiert d’effectuer au minimum 75 soins de conservation sur une durée de 6 mois à 12 mois afin de pouvoir présenter l’examen pratique.

Ces soins seront effectués sous la tutelle d’un.e thanatopracteur.rice justifiant d’au moins 5 ans d’expérience professionnelle, qu’iel soit indépendant.e ou salarié.e d’une entreprise d’hygiène funéraire.

On mettra en place une convention de stage entre le stagiaire, l’entreprise et l’organisme de formation, conformément à l’article D124-4 du Code de l’éducation. Vous aurez un véritable statut de stagiaire au sein de l’entreprise qui vous accueille pour votre formation.

Qui dit statut de stagiaire, dit gratification obligatoire pour un stage de plus de deux mois consécutifs ou plus de deux mois sur une même année scolaire au sein d’une même entreprise (n’oubliez pas que vous devez faire 6 mois de stage minimum). Cette gratification est appliquée par l’article L124-6 du Code de l’éducation.

Au cours du stage, vous apprendrez toute la mise en pratique de ce que vous avez vu en théorie… et découvrirez que la théorie est souvent bien différente de la réalité. Chaque thanato a son style, son rythme, ses gestes et c’est ce que vous apprendrez. Veillez donc à bien choisir votre maître de stage, afin de bénéficier d’un enseignement complet et varié.

Notez aussi que vous devez être vacciné.es contre : DTP (article L3111-3 et L3111-4 du Code de la santé publique), et l’hépatite B pour suivre la formation pratique (et pour exercer), selon le Décret n°2016-1758. Si l’obligation vaccinale contre le Covid-19 a été levée par décret en mai 2023, ici faisons preuve de bon sens et de responsabilité : les thanatopracteur.rices sont amené.es à se rendre dans des hôpitaux, des maisons de retraite, des cliniques etc… donc des lieux à forte présence de personnes à risque.

L’examen pratique

Une fois votre minimum de soins de conservation réalisés (rien n’empêche d’en faire plus !), votre maître de stage avisera votre centre de formation, qui s’occupera de contacter le CNT (Comité National d’évaluation de la Formation Pratique de Thanatopracteur). On vous fera parvenir un dossier d’inscription à l’examen pratique à remplir et renvoyer au CNT. Les frais d’inscription à votre examen pratique s’élèvent à 360€. La période d’examen se déroule généralement entre septembre et décembre de l’année d’obtention du concours théorique.

Le CNT vous attribuera ensuite une date et deux juré.es pour votre examen. Ce sera à vous, et à votre maître de stage, de trouver un soin à réaliser et un lieu pour accueillir vos juré.es. Les juré.es sont des thanatopracteur.rices diplômé.es de la région où vous passez votre examen.

L’examen est noté sur 400 points, et il vous faut un minimum de 200 points pour valider l’épreuve. Le barème des points respecte une grille d’évaluation correspondant au « protocole école ». Vous pouvez trouver l’exemple de la grille d’évaluation 2023 ici (source : CNT)

Le temps de réalisation de votre soin-examen influe aussi sur votre note finale. Pour un soin réalisé en moins de 2h30, vous aurez un coef 1, entre 2h30 et 3h un coef 0,9 et enfin, plus de 3h un coef 0,7. D’où l’intérêt d’une préparation exemplaire, d’un maître de stage impliqué et sérieux et surtout, de rester concentré.e.

Une fois votre examen passé… il faudra attendre la publication des résultats au Journal Officiel. Cette publication tombe généralement en mars de l’année suivante. Tant que cette publication n’est pas sortie, vous n’êtes pas encore thanatopracteur.rice. Il vous est donc impossible d’exercer d’ici-là.

La liste du Journal Officiel fera office de diplôme. Malheureusement, aucun organisme de formation ou le Ministère de la Santé ne délivre de joli papier à bordure dorée pour nous féliciter. Mais vous aurez cette liste avec votre nom à chérir et garder précieusement ! On se contente de peu.

Dans le cas très rare et malheureux où vous n’obtenez pas votre examen pratique : vous pouvez demander au CNT votre fiche d’évaluation avec vos notes. Vous pouvez aussi représenter l’examen pratique lors de la prochaine session d’examen (entre septembre et décembre de l’année suivante). Il faudra réaliser 20 nouveaux soins de conservation au minimum pour prétendre à un second passage.

Mes conseils et avertissements

C’est la partie où je vais être un peu désagréable et insister sur plusieurs points importants. La formation de thanatopraxie est soumise à un arrêté ministériel, qu’il est impératif de respecter. Jusqu’à il y a peu (2022 donc), la notion de « gratification » n’était pas mentionnée dans l’arrêté. Nous avons donc pu témoigner d’abus de la part des entreprises formatrices. Désormais, le stagiaire thanatopracteur a un réel statut légiféré et ne pas respecter le Code de l’éducation est une faute grave.

Je vous prierai (et vous supplierai) donc de ne pas céder à :

  • une entreprise ou un.e professionnel.le indépendant.e qui refuse de vous gratifier à hauteur de votre âge et de votre temps en entreprise
  • une entreprise ou un.e professionnel.le indépendant.e qui vous demande de payer pour votre stage
  • un organisme de formation* qui vous demande de payer pour votre stage
  • une entreprise ou un.e professionnel.le indépendant.e qui ne vous propose que des stages de courte durée, étalés sur plusieurs mois, pour éviter de vous payer
  • une entreprise ou un.e professionnel.le indépendant.e qui vous oblige à signer un contrat vous engageant à l’issue de l’obtention de votre diplôme, pour un CDD ou un CDI d’une durée minimum. C’est prendre le stagiaire en otage car… comment faire si vous n’êtes pas à l’aise dans cette entreprise ? Si le stage ne se passe pas bien ? Vous devrez rompre cet engagement, et généralement, les entreprises qui ont ce genre de fonctionnement auront des closes de non-concurrence rudes (et pas forcément légales non plus)

*Vous avez dû voir dans le tableau comparatif que des organismes de formation proposent un package « formation théorique + formation pratique ». Dans leurs documentations, il n’est pas fait état d’une quelconque gratification de stage. Ce n’est donc pas légal. Vous payez votre stage, vous payez pour travailler.

Voilà pour la partie Johnny-Syndic, mais en tant que stagiaire, vous avez un statut et des droits qui sont à respecter.

Ensuite, on peut constater que le nombre de reçu.es à l’examen pratique n’est pas forcément équivalent au numerus clausus du concours théorique. Outre les rares examens ratés, on observe surtout des abandons. Abandonner n’est pas un échec, que ce soit pour des raisons personnelles extérieures ou liées à la profession. Il vaut toujours mieux se rendre compte maintenant que le métier ne nous convient pas que de subir ce métier ensuite.

Les abandons ont majoritairement ces raisons : difficulté mal-évaluée du métier au quotidien, difficulté à s’intégrer au rythme et à la solitude du métier, difficulté à se projeter concrètement dans la réalité du métier etc. On constate aussi que de nombreux.ses jeunes diplômé.es arrêtent complètement d’exercer après 2 ans (il y a le cap des 2 et des 5 ans généralement !) Burn-out, lassitude, solitude… il y a énormément de raisons à ça.

Je pense que la formation théorique ne prépare pas assez les aspirants thanato au concret du métier. On encaisse vos chèques, on vous gave d’informations et on vous laisse sur le terrain sans un au revoir. Pour peu qu’avec votre maître de stage, vous ne soyez pas le duo de choc attendu, les conditions de travail peuvent vite vous épuiser moralement. Il faut donc se préparer à cette éventualité.

Que faire pour que ça se passe bien ?

Rencontrez au préalable votre futur.e maître de stage, par exemple sur une observation de soin. Voyez si sa manière de faire ou d’appréhender son soin vous convient, si son attitude à votre égard vous semble correcte, si ses propos vont dans le sens de vos valeurs. Je sais bien que les thanato-formateur.rices sont une denrée rare, et qu’il faut parfois se déplacer dans une autre région pour faire ses gammes. Mais ça ne veut pas dire que vous devez accepter tout et n’importe quoi de la part d’un.e maître de stage.

Vous êtes là pour apprendre, vous allez donc passer des journées entières avec cette personne, parfois seul.es dans des laboratoires de maison funéraire vide… la confiance et le respect mutuel sont primordiaux. La qualité de l’enseignement aussi : un.e maître de stage qui ne vous montre rien, ne répond pas à vos questions, ne s’intéresse pas à vos erreurs et ne vous propose pas de solutions ne vous apportera rien. Vous serez mal-formé.e, vous répèterez ces erreurs dans votre vie professionnelle et là, il en ira de votre réputation en tant que thanato.

Petite note plus spécifique, à l’attention des femmes :

Nous avons pu suivre il y a peu une histoire très sordide et terrifiante de violences sexuelles d’un thanatopracteur sur sa stagiaire. Et il n’est pas rare d’observer (et subir) des comportements déplacés voire odieux de la part de confrères/de collègues/d’intervenants funéraires sur les lieux de travail sans que personne ne s’offusque (ou que personne ne le voit).

Je vais l’écrire à défaut de le crier, mais j’y mets tout mon cœur : vous n’avez pas à accepter ça. Être stagiaire ne veut pas dire plier l’échine au bon vouloir du comportement dégueulasse de quelques hommes se croyant tout-puissants. Vous pouvez et devez dire non. Vous pouvez et devez en référer à quelqu’un pour qu’on vous aide. Vous pouvez et devez sortir du laboratoire et signifier votre malaise. Vous n’êtes pas seule. Ces comportements sont inacceptables, surtout dans une profession et un milieu professionnel qui tend à se féminiser de plus en plus.

Que faire (d’autre) pour que ça se passe bien ?

Je parlais de l’aspect psychologique un peu plus haut, et il est très important de savoir décrocher du travail. J’aborderai plus en détail dans un autre article la notion de « travail passion » avec la thanatopraxie, mais dans le cadre de votre stage, il s’agit aussi de vos premiers mois en tant que thanatopracteur. C’est maintenant qu’il faut mettre en place une routine pro/perso idéale pour garder la tête sur les épaules. De cette manière, le risque d’abandon s’amenuise et surtout, vous pourrez vous épanouir sereinement dans votre profession.

Valorisez le contact social avec d’autres personnes que des gens du funéraire, il est toujours bien de garder un pied dans le « monde réel », celui où on ne parle pas de la mort sans arrêt.

Développez et nourrissez aussi vos passions et loisirs en dehors du travail. Je m’en moque que vous aimiez le waterpolo, écrire des fanfics, faire de la randonnée ou regarder toutes les saisons de Desperate Housewives en boucle. Mais si c’est ce que vous aimez et ce qui vous détend : faites-le.

Oubliez les cadavres le temps d’une soirée ou d’un weekend. Votre santé mentale vous remerciera. Laisser le travail au travail est important. Imaginez que votre porte d’entrée est blindée et que le travail ne peut pas vous suivre dedans. Il vous attendra quand il sera temps d’y retourner. Mais d’ici-là, profitez d’autre chose.

Ma prof de psychologie du deuil disait « il faut nourrir votre bisounours intérieur », et je crois que c’est la meilleure image possible.