Très souvent, la thanatopraxie est résumée simplement à « maquiller les morts ». Il n’y a rien de plus vexant pour nous professionnel.les, car l’étape du maquillage est certes très importante (et ma préférée), mais elle entre en toute fin du soin de conservation (ou de la toilette mortuaire). Il y a de nombreuses étapes avant d’arriver à la partie pinceau et fond de teint.
Ici, je ne vais pas m’attarder sur l’histoire de la thanatopraxie. Cela fera l’objet d’un article dédié car il y a énormément de sujets à aborder, d’époques, de techniques… et cela risque d’être indigeste à lire. Je vais vous présenter ce que l’on appelle actuellement, en France, la thanatopraxie et surtout, ce que nous faisons !
Obtenir l’intervention d’un thanatopracteur
Il n’est pas toujours évident de comprendre comment un.e thanatopracteur.rice se retrouve à s’occuper d’un défunt. Nous ne sommes pas mandaté.es directement par les familles. Ce sont les pompes funèbres qui nous contactent, suite de l’organisation de funérailles avec une famille.
La famille se verra présenter le choix d’une préparation ou non. Sachez avant toute chose que, sauf cas exceptionnel de rapatriement à l’étranger ou de transport longue distance, il n’est absolument pas obligatoire de pratiquer une toilette mortuaire ou un soin de conservation sur un défunt. Tout comme, si vous pouvez choisir votre dentiste, vous pouvez choisir lae thanatopracteur.rice qui interviendra sur le défunt.
A la suite des différents choix émis par la famille, lae conseiller.e funéraire missionnera l’entreprise de thanatopraxie avec qui iel travaille pour réaliser l’intervention. Parfois, dans des cas rares en France, la pompe funèbre aura un.e thanatopracteur.rice sur place directement. On décidera d’une date et d’une heure d’intervention en fonction des potentielles visites prévues par la famille et du type de présentation du défunt.
Il est très rare que les familles rencontrent lae thanatopracteur.rice. Dans les cas exceptionnels d’intervention à domicile, lae thanatopracteur.rice sera au contact direct des proches vu qu’iel interviendra sur le lieu de vie du défunt. Sinon, les rencontres peuvent se faire lors d’une remise de vêtements, de visite s’il y a besoin d’une retouche, ou encore plus rare : si la famille souhaite assister à une partie de l’intervention (ce qui est possible). Parfois, nous pouvons avoir un contact par téléphone avec la famille, ou un rendez-vous avant l’intervention, afin de discuter des détails cosmétiques. Mais dans la plupart des cas, le conseiller funéraire s’occupera de récupérer ces informations et les transmettre au thanato.
Les interventions du thanatopracteur
Outre le soin de conservation, lae thanatopracteur.rice est amené.e à pratiquer : une toilette mortuaire, un retrait de prothèse à pile, un simple habillage, une mise en bière, une présentation en salon, des retouches sur un défunt.
- L’habillage simple
Dans le cas où la famille ne souhaite pas de préparation pour le corps, cela n’empêche pas de vouloir que le défunt parte avec une tenue spécifique. Dans un tel cas, on procédera tout de même à une désinfection générale du corps et un nettoyage si nécessaire, puis on habillera le défunt avec la tenue fournie. Rien de plus.
- Le retrait de prothèse à pile
Ce que j’appelle ici « prothèse à pile » concerne les dispositifs tels que les PaceMaker et tout type de dispositif implanté dans le corps fonctionnant au moyen d’une pile. Les nouveaux PaceMakers intracardiaques ne nécessitent pas de retrait, car ils ne présentent pas de danger.
Pourquoi retire-t-on ces prothèses munies de pile ? Tout d’abord pour une raison technique simple. La pile au lithium qui alimente le dispositif présente un risque d’explosion si soumise à de fortes chaleurs. Dans le cas d’une crémation, il est donc naturel pour le dispositif… d’exploser. Il endommagera de ce fait le four crématoire et on tend à éviter ce genre d’incident.
La deuxième raison concerne le risque écologique. Lors d’une mise en terre, et par la suite le processus de décomposition du corps, le dispositif va s’abîmer et s’éroder, provoquant alors une fuite du lithium directement dans le sol. En retirant le dispositif, on s’assure d’éviter une potentielle pollution du site.
Seul un.e thanatopracteur.rice ou un.e médecin peut retirer ces prothèses. De ce fait, même lorsque le corps n’a pas de préparation ou qu’il a une préparation religieuse rituelle, un.e thanatopracteur.rice interviendra pour retirer le dispositif (si un médecin ne l’a pas déjà fait). On fournira d’ailleurs toujours une attestation de retrait de prothèse, avec les noms du défunt, thanatopracteur.rice, et de la pompe funèbre et le numéro de série du dispositif.
Ces prothèses seront ensuite désinfectées et consignées en attendant d’être collectées pour recyclage.
- Mise en bière et présentation en salon
Généralement, ces interventions font suite à une toilette mortuaire ou un soin de conservation. La mise en salon correspond à installer le défunt sur une table agrémentée d’une parure, et l’installer dans la pièce où la famille viendra se recueillir.
Il est plus rare que nous fassions les mises en bière seul.e. Souvent, il s’agit d’aider les employé.es des pompes funèbres afin d’installer le corps dans son cercueil. Mais parfois, il nous incombe de le faire seul.e. L’exercice peut être un peu difficile dans le cas où un défunt est corpulent ou dans une position intéressante. Mais l’avantage d’être présent.e pour la mise en bière est de pouvoir s’assurer que la cosmétique est intacte et les vêtements du défunt parfaitement placés.
La présentation, sur table ou en cercueil, d’un défunt est très importante car c’est ce que la famille verra. Pouvoir faire des ajustements ou des petites retouches nous offre la possibilité d’effectuer une présentation dans les meilleures conditions possibles pour les proches.
- La toilette mortuaire
Ce qu’on appelle « toilette mortuaire » est très différent de ce qu’on imagine comme une toilette, ce que réalisent très souvent les aide-soignant.es et infirmier.es lors du décès d’un patient. Iels s’occuperont de l’hygiène du défunt, poser une protection hygiénique (une couche), changer les pansements etc.
Pour lae thanato, la toilette mortuaire consiste à s’occuper de la désinfection, la propreté, la mise en place du visage, l’habillage, et la cosmétique du défunt. Si besoin, nous changeons des pansements, suturons des plaies etc. Après la désinfection générale et des muqueuses (les bactéries prolifèrent très facilement sur un défunt !), on réalisera un méchage au coton des voies nasales/buccale/basses (l’anus, le vagin et si on observe un écoulement par le pénis, on ligaturera l’urètre) afin d’éviter des émanations et écoulements. On procèdera ensuite à une ligature de bouche (ou « point de bouche », pour fermer la bouche définitivement) et la fermeture des yeux avec des petites coques en plastique appelées couvre-œil.
On terminera par l’habillage, la coiffure (avec lavage ou non des cheveux, selon la nécessité), la manucure (propreté des ongles surtout, mais on peut appliquer du vernis si demandé !) et à la cosmétique du défunt. Ce que nous appelons cosmétique ne veut pas dire : full glamour paillettes et eyeliner. On parle ici, sauf si consigne spécifique de la famille, de recréer un effet bonne mine au défunt. Le but est d’avoir l’air le plus naturel possible.
- Le soin de conservation
On aura tendance à parler d’embaumement ou d’embaumeur, bien que le mot ne soit absolument pas exact concernant les techniques modernes de conservation du corps. Nos techniques sont très loin de ce qu’on imagine quand on parle d’embaumement, rien à voir avec l’Egypte antique ou la Chine.
Le mot thanatopraxie est un mot très récent, créé en 1960 par Jacques Marette et André Chatillon, dérivant du grec Thanatos (dieu de la mort) et praxein (opération), et le sens vulgaire serait « chirurgie post-mortem ».
Le soin de conservation ou soin de thanatopraxie est un acte invasif réalisé sur le corps d’un défunt. A la manière d’une dialyse, on va remplacer un fluide par un autre dans la dépouille. A l’aide du système artériel, lae thanato injectera une solution de conservation à base de formol/balsamoseptol et d’eau qui se déploiera à l’intérieur du corps, par phénomène d’osmose.
Forcément, le corps humain n’est pas vide de tout liquide, donc notre solution de conservation va venir pousser le sang putréfié/coagulé jusqu’au cœur. On effectuera alors une ponction cardiaque à l’aide d’un tube de ponction que l’on plantera dans l’atrium droit du cœur, afin d’aspirer la masse sanguine et vider ainsi le système veineux.
On viendra ensuite récupérer les autres liquides présents dans le corps lors d’une ponction thoracique et abdominale (liquide pleural, bolus alimentaire, ascite, urines, sang…). Pour finir, on réalisera un épandage thoracique et abdominal d’un autre liquide de conservation plus concentré, afin de fixer les viscères et retarder le déploiement des bactéries.
Il est tout à fait possible, selon l’état du corps, d’utiliser des liquides de pré-injection et de co-injection, afin d’aider au mieux la préservation de la dépouille : pour la réhydratation, le jaunissement, la réduction d’oedème etc.
On procédera ensuite aux mêmes étapes que la toilette mortuaire pour pouvoir présenter le corps. Je développerai plus en détails les étapes du soin de conservation dans un article dédié.
A quoi sert le soin de conservation ?
Très simplement, le soin de thanatopraxie va permettre au corps de résister à la décomposition et à la putréfaction. Cela dit, il s’agit simplement de ralentir le processus d’autolyse du corps. Nous ne créons pas des poupées de cire aptes à résister aux ravages du temps. Nous offrons juste la possibilité de sauvegarder ou restaurer au mieux l’intégrité du corps, le temps des visites, des recueillements et des funérailles.
Dans certains cas, le soin de thanatopraxie permet même de restaurer (même partiellement) le corps, par exemple lorsqu’une personne a été très malade ou a subi un accident. Les techniques que nous employons, que ce soit pour la conservation, la cosmétique ou la reconstruction, ont ce but précis : donner un aspect serein et endormi au défunt.
Parfois, pour des raisons de salubrité et d’hygiène, on procèdera à un soin aussi pour éviter que le corps ne se dégrade trop vite. Même si la présentation se fera en cercueil fermé, le soin permettra de ralentir le processus déjà engagé de putréfaction.
Est-ce que la toilette mortuaire est dispensable dans ce cas ? Non. Un bon professionnel saura réaliser une toilette mortuaire à la hauteur du même résultat, d’un point de vue superficiel. Le soin de conservation agira en profondeur. Un corps qui sera exposé en salon funéraire plusieurs jours nécessitera un soin. Quand un corps qui ne sera vu qu’une heure avant sa mise en bière peut se contenter d’une toilette mortuaire si son état de dégradation le permet.
Les deux solutions sont tout à fait légitimes et doivent offrir une même dignité au défunt. Tout dépend du contexte (le corps va-t-il voyager ou être exposé ?), des moyens (le soin est facturé plus cher par les pompes funèbres) mais aussi des volontés de la famille ou du défunt (le plus important).
Je ne me fais pas défenseur de l’un ou de l’autre, j’estime que mon avis n’a rien à voir avec le choix des familles. J’applique la même qualité de travail aux toilettes et aux soins. Parfois, il peut arriver que l’on conseille plutôt un soin si on constate que le corps est dans un état de dégradation avancée ou qu’il le sera rapidement. Mais nous n’avons pas le dernier mot.
A savoir aussi que nous ne sommes pas magiciens. Nous avons une obligation de moyens et non de résultat. C’est à dire que nous devons mettre en place un protocole qui devra répondre aux besoins du corps traité, utiliser des techniques adaptées… mais nous travaillons sur une matière organique et parfois capricieuse. Il n’est pas rare que le corps réagisse différemment à notre soin, et que nous devions trouver un plan B, C, D… le tout est de savoir être polyvalent, réactif et inventif.